Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/244

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(Les prêtres échangent entre eux des regards significatifs et quelques paroles à voix basse.)

le juge reprend. — Pourquoi ce silence envers votre curé ?

jeanne darc. — Si j’avais ébruité mes apparitions, mon père et ma mère se seraient opposés à mon entreprise.

un autre juge. — Croyez-vous avoir commis un péché en quittant votre père et votre mère, contrairement à ce précepte de l’Écriture : « Tes père et mère honoreras ?… »

jeanne darc. — Je ne leur avais jamais désobéi avant de les quitter… mais je leur ai écrit ; ils m’ont pardonné…

le juge. — Ainsi, vous croyez pouvoir violer sans péché les commandements de l’Église ?

jeanne darc. — Dieu me commandait d’aller au secours d’Orléans ; j’aurais été fille de roi… que je serais partie ! 


l’évêque cauchon, jetant sur le tribunal un regard significatif. — Vous prétendez, Jeanne, avoir eu des révélations, des visions… à quel âge cela vous serait-il advenu ?

jeanne darc. — J’avais treize ans et demi. Il était midi, en été, j’avais jeûné la veille ; j’ai entendu la voix comme si elle venait de l’église, et, en même temps, j’ai vu une grande clarté dont j’ai été éblouie.

l’évêque cauchon, lentement et pesant chacun de ses mots. — Vous dites avoir entendu des voix… en êtes-vous bien certaine ? 


jeanne darc, à part. — Voilà le piège dont ce bon prêtre m’a avertie… j’y échapperai en disant la vérité… j’ai juré de la dire… (Haut.) J’ai entendu ces voix comme j’entends la vôtre, messire évêque.

l’évêque cauchon. — Vous affirmez cela ?

jeanne darc. — Oui, messire, parce que cela est la vérité.


l’évêque cauchon promène un regard triomphant sur le tribunal, ce regard est compris ; il se tait un moment de silence. (Aux greffiers.) — Vous avez textuellement minuté la réponse de l’accusée ?