Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/247

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mencement de son interrogatoire. Elle venait d’invoquer secrètement ses voix… les voix de sa conscience et de sa foi ; elles lui avaient répondu : « — Va, ne crains rien, réponds hardiment à ces faux et méchants prêtres… tu n’as rien à te reprocher… Dieu est avec toi… il ne t’abandonnera pas !… »

Raffermie par cette pensée, par cette espérance, l’héroïne redresse le front, son pâle et beau visage se colore légèrement, ses grands yeux noirs s’attachent résolument sur l’évêque… elle pressent qu’il est son ennemi mortel. Les prêtres-juges remarquent l’assurance croissante de l’accusée, un instant auparavant si timide, si abattue ; cette transformation est d’un favorable augure pour leurs projets. Jeanne Darc, dans sa fière animation, peut et doit laisser échapper des aveux qu’elle eût renfermés en demeurant réservée, craintive et défiante. Le prélat, malgré sa scélératesse, sent peser sur lui le brillant et pur regard de l’accusée ; il baisse les yeux et continue l’interrogatoire en consultant un parchemin :

— Ainsi, Jeanne, c’est par ordre de vos voix que vous êtes allée trouver à Vaucouleurs un certain capitaine, nommé Robert de Baudricourt ? lequel capitaine vous a donné une escorte chargée de vous conduire devers votre roi, à qui vous avez promis la levée du siège d’Orléans ?

jeanne darc. — Oui.

l’évêque cauchon. — Reconnaissez-vous avoir dicté une lettre adressée au duc de Bedford, régent d’Angleterre, et à d’autres illustres capitaines ?

jeanne darc. — J’ai dicté cette lettre à Poitiers.

l’évêque cauchon. — Dans cette missive, vous menaciez les Anglais de les faire occire ?

jeanne darc. — Oui… s’ils ne retournaient pas dans leur pays, et s’ils continuaient de faire endurer misère sur misère au pauvre peuple de France !

l’évêque cauchon. — Cette lettre n’était-elle pas écrite par vous