et déguisant sa voix, qu’il rend ainsi sourde et caverneuse. — Lequel des deux papes est le vrai pape ?
jeanne darc, abasourdie. — Il y a donc deux papes ?
l’évêque cauchon. — Vous vous dites inspirée de Dieu ; il doit vous avoir enseigné auquel des deux papes vous devez obéissance ?
jeanne darc. — Je n’en sais rien… C’est au pape à savoir s’il obéit à Dieu, et à moi d’obéir à qui obéit à Dieu…
l’évêque cauchon, à Loyseleur, avec un accent significatif. — Mon très-cher frère, nous réserverons pour un autre interrogatoire la grave question que vous venez de poser à propos de l’unité de l’Église triomphante et de l’Église militante ; poursuivons l’interrogatoire sur d’autres matières. (S’adressant à Jeanne Darc avec une inflexion de voix annonçant la gravité de la question.) Lors de votre départ de Vaucouleurs, vous avez pris l’habit d’homme… est-ce à la requête de Robert de Baudricourt ou par votre propre volonté ?
jeanne darc. — C’est de ma propre volonté.
un juge. — Vos voix vous ont-elles ordonné de quitter les habits de votre sexe ?
jeanne darc. — Tout ce que j’ai fait de bon, je l’ai fait par le conseil de mes voix… Quand je les ai bien comprises, elles m’ont bien guidée.
un autre juge. — Ainsi, vous ne croyez pas commettre de péché en portant ces vêtements masculins dont vous êtes encore couverte à cette heure ?
jeanne darc, avec un soupir de regret. — Ah ! pour le bonheur de la France et le malheur de l’Angleterre ! pourquoi ne suis-je pas libre à cette heure avec habits d’homme, mon cheval et mon armure !…
un autre juge. — Voudriez-vous entendre la messe ?
jeanne darc, tressaillant d’espérance. — Oh ! de tout mon cœur !
le juge. — Vous ne pouvez l’entendre sous ces habits, qui ne sont pas ceux de votre sexe.