Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/285

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lamentait avec un redoublement de larmes, de sanglots, suspendant à dessein sa révélation. Enfin il articulait ceci en frémissant : Les chefs anglais, afin de prouver au peuple et à leur armée que c’était bien véritablement Jeanne-la-Pucelle que l’on allait brûler en chair et en os, et que l’on n’aurait plus dès lors à redouter ses maléfices, les chefs anglais avaient décidé qu’avant d’être livrée aux flammes on lui ôterait sa grande mitre de carton de dessus la tête, et que… horreur !… l’homme de Dieu, n’osait… ne pouvait achever… il levait les mains au ciel, il se frappait la poitrine, puis il reprenait… Et, horreur ! abomination !… les bourreaux enlèveraient à Jeanne Darc sa chemise… l’enchaîneraient toute nue au poteau… et cela au grand jour… à la face du peuple et des soldats anglais… oui, on l’enchaînerait là toute nue… Et lorsque ce peuple, ces soldats, assouvissant sur elle leurs regards lubriques, l’auraient ainsi longuement contemplée à loisir, afin de s’assurer que c’était bien la Pucelle que l’on allait brûler, on mettrait le feu aux fagots, arrosés de soufre, de bitume !… Et le prêtre d’entamer alors une description minutieuse des tortures de ce supplice, description à faire dresser les cheveux d’épouvante !

Mais Jeanne ne l’écoutait plus… Dès qu’elle eut appris qu’elle serait conduite au bûcher en chemise d’homme, puis attachée toute nue au poteau par la main des bourreaux, et ainsi exposée aux yeux de tous… elle d’une pudeur si délicate, si ombrageuse… son esprit pendant un moment s’égara ; elle rassembla ce qui lui restait de force, et, quoique enchaînée par les pieds, par les mains, par la ceinture, elle se redressa sur sa couche de paille et, s’élançant, se heurta violemment la tête à deux reprises contre le mur de son cachot, espérant se briser le crâne et mourir ; mais l’élan de la pauvre créature, faible, épuisée, défaillante, ne fut pas assez vigoureux pour produire un choc mortel ou même dangereux. Elle retomba sur sa paille, où le chanoine la contint paternellement, charitablement ; il sanglotait, suppliant sa chère fille en Dieu de ne point céder à un