Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/313

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ce travestissement, solennellement abjuré par elle sur les saints Évangiles, la constituait relapse et la condamnait au supplice !… Enfin le monstrueux attentat avait dû se borner à une tentative… sinon, Jeanne Darc, foudroyée par la honte, risquait d’expirer subitement dans son cachot… et l’on voulait qu’elle vécût… pour le bûcher !…

Courage ! fils de Joel ! cette lamentable histoire touche à son terme ! courage !… suivons la vierge des Gaules jusqu’à la cime de son calvaire, et là sa passion sera complète !… Elle trouvera le calice de fiel… la couronne d’épines… la mort… et criera : Gloire à vous, mon Dieu !… ainsi que le jeune et doux maître de Nazareth, au nom de qui on la supplicie, et que notre aïeule Geneviève a vu crucifier à Jérusalem, il y a quatorze siècles et plus !…


Il est huit heures du matin ; Jeanne Darc, pendant la nuit, a revêtu ses habits d’homme ; on l’a enchaînée de nouveau. Son beau visage est meurtri des coups qu’elle a reçus durant la lutte nocturne ; une seule pensée l’absorbe : ses juges seront-ils instruits de l’acte de relapse qu’elle vient de commettre ? l’enverront-ils au bûcher, ainsi que le lui a fait craindre le chanoine Loyseleur ? Pourra-t-elle au moins expier sa lâcheté ? proclamer, confesser hautement la vérité de ce qu’elle a renié ? Trouvera-t-elle enfin dans le supplice le terme de sa misérable vie ?… L’attente de l’héroïne n’est pas trompée : l’évêque, instruit par son complice des événements de la veille, a envoyé plusieurs juges visiter Jeanne dans son cachot ; ils entrent au nombre de sept.

Voici leurs noms : Nicolas de Venderesse, — Guillaume Haiton, — Thomas de Courcelles, — frère Isambard de la Pierre, — Jacques Camus, — Nicolas Bertin, — Julien Floquet.

Jeanne Darc, songeant que son crime est flagrant, ressent une joie amère à la vue de ces prêtres ; le front haut, calme, résolu, elle semble provoquer, défier leur interrogatoire ; mais, par pudeur et