Telles sont les clameurs des Anglais ou des partisans bourguignons ; les gens du parti royaliste ou armagnac sont beaucoup moins nombreux. Quelques personnes parmi eux, les femmes surtout, éprouvent un retour de pitié pour Jeanne Darc, dont l’abjuration a si cruellement indigné ceux-là qui la regardaient comme inspirée ; chez plusieurs, cette indignation subsiste encore dans toute son énergie. Ces sentiments divers, lorsqu’ils témoignent de quelque charité, s’expriment souvent à demi-voix, de crainte de la violence des Anglais.
— Enfin, — disent les uns, — si la Pucelle a faibli une fois devant le supplice, elle ne faiblira pas aujourd’hui !
— Ainsi… elle ne mentait pas !… elle va soutenir jusqu’à la mort qu’elle était vraiment inspirée de Dieu !
— Et pourtant elle l’a nié… Comment la croire maintenant ?
— Oh ! qui a menti une fois peut mentir encore !
— Si elle a abjuré, c’était par crainte du fagot… et, de fait, il y a de quoi trembler !
— Alors, elle a été lâche ! on la disait si vaillante !
— Ma foi ! c’est qu’en face du bûcher… on hésite !… Voyez donc, mes compères, cet amoncellement de bois clair arrosé de poix et de bitume !
— Quand on pense que tout cela va flamber autour de Jeanne, comme un feu de paille, et faire lentement pétiller, grésiller sa peau !…
— Oh ! les cheveux m’en dressent !
— Pauvre malheureuse ! quelle torture !
— C’est affreux !… Mais, que voulez-vous ? nos seigneurs les évêques et les docteurs en droit canon la condamnent… elle est donc coupable !
— De si doctes hommes ne sauraient se tromper !
— Non certainement ; quand l’Église a prononcé, nous devons nous taire et nous incliner… car, enfin, on a de la religion ou l’on n’en a point !