Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/330

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la justice séculière, lui demandant, à part la mort et la mutilation de tes membres que tu vas subir, de te traiter avec modération ! Amen ! … »

Une explosion de cris d’une joie féroce accueille cet arrêt ; la sanguinaire impatience des soldats anglais est satisfaite, le peuple contemple Jeanne Darc avec horreur… l’Église infaillible l’excommunie, comment oser la plaindre ? L’un des assesseurs est descendu de son estrade et parle à voix basse au frère Isambard ; celui-ci dit à Jeanne :

— Vous avez entendu votre arrêt ; relevez-vous, ma fille.

Pierre Cauchon est resté debout au bord de l’estrade ; Jeanne Darc se relève, et montrant à ce prélat le ciel, comme pour le prendre à témoin de ses paroles, elle dit à voix haute, avec un accent de reproche écrasant :

Évêque ! évêque !… je meurs par vous !…

Pierre Cauchon, malgré son audace infernale, tressaille, pâlit et courbe son front d’airain sous cet anathème, qu’en présence de Dieu et des hommes sa victime lui jette à la face ; il va, d’un pas moins ferme, se rasseoir auprès du cardinal de Winchester.

À ces mots du prélat : « Jeanne, je t’abandonne à la justice séculière, » deux bourreaux se sont approchés ; la justice séculière… c’est eux… Ils prennent chacun par un bras la patiente et la conduisent vers l’échafaud, dressé non loin de là ; frère Isambard la suit.

jeanne darc, au moine. — Mon père, je voudrais une croix, pour mourir en la regardant.

plusieurs soldats anglais formant la haie. — Tu n’as pas besoin de croix, relapse ! sorcière !

— Tu veux gagner du temps !

— Assez de retards ! assez !

— Au bûcher ! au bûcher !…

Frère Isambard dit quelques mots à l’oreille de l’assesseur qui est descendu de l’estrade ; celui-ci s’éloigne précipitamment dans la direction d’une église voisine de la place. Un boucher anglais, au ta-