« — Sire, je suis envoyée vers vous de par Notre-Seigneur Dieu ; confiez-moi le commandement de vos troupes, je bouterai les Anglais hors de France et vous rendrai votre couronne. »
Oh ! lorsque Jeanne songeait à cela, en ces heures de doute où, son extase dissipée, elle retombait dans les réalités pures, la pauvre enfant reculait devant un abîme de difficultés, d’impossibilités sans nombre. Elle se prenait en dérision, en pitié, le passé lui semblait un songe ; elle se demandait si elle n’était pas folle ; elle suppliait ses voix de se faire entendre, ses saintes de lui apparaître, afin de ranimer sa foi dans sa mission divine et ainsi lui prouver que jusqu’alors elle n’avait pas été le jouet des égarements de sa raison… Mais la crise hallucinatrice de Jeanne était passée, les voix mystérieuses restaient muettes, elle se regardait alors comme une misérable insensée… puis le lendemain ou pendant la nuit même, en proie à de nouvelles visions, elle croyait voir venir à elle ses deux belles saintes, coiffées de leur couronne d’or, vêtues de brocart, exhalant une senteur céleste[1], et, souriantes, elles lui disaient : « — Courage, Jeanne, fille de Dieu ! courage !… tu délivreras la Gaule… ton roi te devra sa couronne !… Les temps approchent ! »
La jeune vierge reprenait créance dans sa prédestination jusqu’au jour où de nouveaux doutes l’accablaient et se dissipaient encore ; ces doutes cependant allèrent s’amoindrissant. Vint enfin le moment où, n’éprouvant plus de défaillances, invinciblement pénétrée de la divinité de sa mission, Jeanne résolut de l’accomplir à tout prix, n’attendant qu’une circonstance opportune ; sentant surtout plus que jamais la nécessité de pratiquer son adage favori : Aide-toi, le ciel t’aidera, tous les efforts de son esprit tendirent dès lors à s’instruire en secret de l’état des choses en Gaule et d’acquérir les premières notions du métier des armes.
Les événements publics et la situation géographique de la vallée ser-
- ↑ Procès de condamnation, t. I, p. 20.