ingrat, ainsi que nous le connaissons de reste, notre roi fainéant vous sacrifierait au cri général qui vous accuserait de trahison ou d’impéritie, vous reprochant de n’avoir pas su terminer une guerre si heureusement, si promptement menée à bonne fin par d’autres que par vous !
— Tonnerre et sang ! — s’écria Raoul de Gaucourt, — grande envie j’ai d’aller droit à la tour du Coudray et de faire occire cette sorcière sans autre forme de procès ! L’on affirmerait que Satan, son patron, l’a emportée…
— Le moyen est violent et maladroit, cher capitaine ! — reprit Georges de La Trémouille ; — l’on peut, par d’autres voies, arriver au même but. Donc, il est entendu que moi, vous et l’évêque de Chartres, nous avons un intérêt commun à nous liguer contre cette fille ; maintenant, avisons aux moyens de la perdre. Commençons par vous, saint évêque de Chartres, directeur spirituel de notre sire ; si débauché qu’il soit, il a de temps à autre peur du diable ; ne pourriez-vous insinuez à ce bon roi qu’il compromettrait le salut de son âme en ajoutant foi témérairement, sans préalable enquête, aux assertions de cette créature, soi disant envoyée de Dieu !…
— Excellente idée ! — reprit l’évêque de Chartres. — Je démontre à Charles VII qu’il est urgent de faire examiner Jeanne par des clercs en théologie, seuls aptes à reconnaître et à déclarer solennellement si elle obéit à une inspiration divine ou si elle n’est, au contraire, qu’une fourbe effrontée possédée du malin esprit ; auquel cas, et en accordant sa confiance à cette fille, notre sire se rendrait ainsi complice d’une sorcière. Je compose en conséquence l’assemblée canonique chargée de prononcer irrévocablement, infailliblement, sur le degré de foi que l’on doit accorder à la prétendue mission divine de la Jeanne ; elle est, selon mes instructions secrètes, déclarée hérétique, sorcière, possédée du malin esprit, et pour elle bientôt flambe ce fagot… si impatiemment attendu par ce brave Gaucourt !
— Sang-Dieu ! — s’écria le soldat, — j’allumerais moi-même le