Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/255

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Mylio. — Quel est mon crime ?

Marphise. — Tu as trompé douze femmes à la fois ; chacune d’elles croyait seule t’avoir pour bel ami.

Mylio. — On m’accuse… mais qui m’accuse ?

La comtesse Ursine, impétueusement. — Moi ! oui, je t’accuse, moi l’une de tes douze victimes ; oseras-tu nier ton crime ?

Mylio. — Mon accusatrice est si charmante, qu’innocent je m’avouerais coupable ; je suis venu faire ici une expiation solennelle du passé ; je ne pouvais mieux choisir le lieu, le moment et l’auditoire…

Marphise. — Ta franchise n’atténue pas tes forfaits, mais elle fait honneur à ton caractère ; ainsi tu avoues ta félonie ?…

Mylio. — Oui, j’ai prié d’amour de nobles dames, belles, faciles, légères, et comme moi folles de plaisir, n’ayant d’autre loi que leur caprice libertin…

Marphise. — Tu oses accuser tes victimes !

Mylio. — Loin de moi cette pensée !… Élevées dans la richesse, l’ignorance et l’oisiveté, elles ont, ces pauvres femmes, cédé à des exemples, à des conseils corrupteurs. Nées dans une condition obscure, virant honorées au milieu des travaux et des joies de la famille, elles auraient été l’exemple des mères et des épouses ; mais comment ces nobles dames n’oublieraient-elles pas vertu, honneur, devoirs, en ces temps honteux où la débauche a son code, le libertinage ses arrêts, et où l’impudeur, siégeant en cour souveraine, réglemente le concubinage et décrète l’adultère ?

Une incroyable stupeur accueille les paroles de Mylio ; les membres de la chambre des doux engagements s’entre-regardent un moment ébahis de ce langage irrévérencieux ; puis maître Œnobarbus-le-Rhéteur et Adam-le-Bossu-d’Arras se lèvent pour répondre, tandis que le chevalier Foulques de Bercy, le Sénéchal des marjolaines et le Baillif de la joie des joies, tous preux chevaliers, cherchent ma-