Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/337

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moins… Oh ! non, je les fermerai pour souffrir davantage, mourir tout de suite, et aller rejoindre Mylio. (Tournant çà et là autour d’elle ses yeux hagards, elle aperçoit l’abbé Reynier. Elle frissonne) Oh ! le moine de Cîteaux ! le moine !… le voilà dans sa robe blanche comme un spectre qui m’annonce la mort !

Le bourreau, tenant à la main son fer rougi à blanc, dit à la victime : — Vite !… petite, ouvre les yeux tout grands.

Florette clôt, au contraire, ses paupières avec force ; elle devient d’une lividité cadavéreuse ; ses lèvres bleuâtres sont convulsivement serrées l’une contre l’autre, dans l’attente du supplice.

Le bourreau frappe du pied. — Ouvre donc vite les yeux ! mon fer va refroidir… (la jeune fille n’obéit pas.) Va-t’en au diable ! petite sotte. (Le bourreau darde son fer brûlant et aigu dans l’œil droit de la victime.)

Florette pousse un cri affreux, défaille et murmure : — Mylio… je meurs !

La pauvre créature s’évanouit complétement ; elle ne pousse qu’un gémissement plaintif lorsque le bourreau lui crève l’œil gauche.

L’abbé Reynier, à part, sur le balcon. — Quel dommage !… de si beaux yeux bleus !… C’est sa faute… Pourquoi m’a-t-elle préféré ce misérable Mylio !

Les aides du bourreau détachent Florette du siége, et, par pitié, la transportent, toujours évanouie, près de la margelle de la citerne. Le chœur des moines a un instant suspendu ses chants.

Montfort, s’adressant au vieillard à qui on n’a crevé qu’un œil. — Emmène ces pécheurs ; on va leur délier les bras… Qu’ils consacrent au repentir la vie que je leur laisse !

Les aides du bourreau coupent les cordes dont sont garrottés les hérétiques. Ceux d’entre eux que l’atrocité de la douleur n’a pas laissés tués ou agonisants, se lèvent, se cherchent à tâtons, se prennent par la main, et forment une sorte de longue chaîne qui, conduite par le vieillard à qui on a laissé un œil pour se guider, sort par