Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/336

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affreux ; ils sont bientôt couverts par le chœur des moines chantant à pleine voix : 


Tuba mirum spargens sonum
Per sepulchra regionum
Coget omnes ante thronum.

Le supplice des hérétiques, hommes ou femmes, se poursuit avec l’accompagnement de cette funèbre psalmodie : les uns s’évanouissent de douleur ; on les détache du siége, et on les jette inanimés à quelques pas de distance de l’échafaud ; d’autres, rendus furieux, presque insensés, par la souffrance, en sortant des mains des bourreaux, s’élancent droit devant eux ; et, incapables de se guider, vont se heurter contre les murs de l’esplanade, ou trébucher parmi les soldats formant la haie, et sont refoulés à coups de bois de lance. Le hasard a voulu que Florette fût la dernière victime. À la vue de ces horreurs, sa raison s’est presque complétement égarée : elle se croit sous l’obsession d’un rêve. Soutenue par les aides, elle marche d’un pas étincelant vers l’échafaud ; ses longs cheveux châtains, tressés en nattes, tombent sur ses épaules : elles sont, comme son cou, comme ses bras, d’une blancheur livide et morte ; tout son sang a reflué vers son cœur. À la vue de cette jeune fille, si belle, si touchante, les bourreaux eux-mêmes se sentent émus ; et, au moment où elle vient d’être attachée sur le siége, le roi des ribauds lui dit tout bas, avec compassion : — Crois-moi, petite ; ouvre les yeux de toutes tes forces, tu souffriras moins. Quand on ferme les paupières, la douleur est double, car le fer les traverse avant d’arriver à l’œil… Me comprends-tu ?

Florette, d’une voix défaillante. — Oui, messire.

Le bourreau. — J’ai un fer chauffé à blanc : ce sera fait en un clin d’œil… (Riant.) Hé ! hé !… en un clin d’œil… c’est le mot. (Il se dirige vers son réchaud.)

Florette, tout bas à elle-même, retrouvant une lueur d’intelligence. — Il me semble que l’on m’a dit d’ouvrir les yeux, afin de souffrir