Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/121

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— J’ai bien regardé dans les trois compartiments de la voiture, — dit le pitre en revenant, après une absence de quelques minutes, — Bamboche n’y est pas.

En disant ces mots, il me sembla que le paillasse mettait un petit paquet dans la main de la mère Major.

— C’est bien entendu ; puisque Bamboche fait une farce, — dit la Levrasse, — il faut qu’elle soit bonne, et elle durera toute la nuit.

À chaque instant je m’attendais à voir paraître notre compagnon ; il ne vint pas…

Croire qu’il nous abandonnait et qu’il fuyait seul, c’était impossible. Il nous avait bien dit que, cette nuit-là même, nous devions nous échapper ; mais, quant aux moyens d’évasion, nous les ignorions, et nous nous attendions à les apprendre de lui au moment même de notre fuite.

Nous nous étions tous levés de table au moment où la mère Major dit : Allons coucher.

Après s’être entretenu quelques instants, à voix basse avec la mégère, debout à l’entrée de notre tente, la Levrasse appela le pitre et lui parla aussi à l’oreille.

Comme ces trois personnages se trouvaient dans l’ombre, je ne pus voir leurs mouvements ; seulement je crus entendre le choc de deux bouteilles l’une contre l’autre.

Pendant ce temps-là, l’homme-poisson, qui avait jusqu’alors paru complétement étranger à ce qui se passait, allait et venait, s’occupant, selon sa coutume, de rassembler nos couverts de fer, nos gobelets et nos assiettes d’étain.

Basquine s’approcha de moi et me dit tout bas d’une voix altérée :

— Bamboche ne revient pas… où est-il ?… que faire ?

— Je ne sais pas, — lui dis-je, consterné.

— Ne buvez pas de vin sucré… et prenez garde à vous cette nuit… — nous dit rapidement et bien bas l’homme-poisson en passant auprès de nous, chargé d’une pile d’ustensiles.

— Allons… la marmaille… au chenil !

S’écria la mère Major en se retournant vers nous.