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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/176

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chose pouvait racheter la honte et l’odieux de notre conduite d’alors, c’est que nous agissions avec une sorte d’espièglerie enfantine ; et, pour parler le langage de cet âge, c’était peut-être encore moins des vols que des niches, dont nous nous glorifiions : nous chipions, et le gendarme était pour nous ce que le maître est pour l’écolier révolté.

 
 

Nous étions arrivés proche d’un village peu considérable ; nous l’avions découvert au loin dans la vallée, du haut d’une montée de la grande route, où s’élevait une croix de pierre. Le jour tirait à sa fin ; nous espérions trouver dans cet endroit un gîte pour la nuit, car le froid devenait cuisant ; nous étions alors au commencement de février.

Passant à travers champs, nous atteignîmes bientôt les dernières maisons de ce village ; l’une d’elles, assez isolée, pauvre et misérable demeure, avait une fenêtre ouverte sur le sentier que nous suivions ; de l’autre côté du sentier, s’étendait une genêtière épaisse et fourrée.

Bamboche marchait le premier, ensuite Basquine et moi… Soudain Bamboche s’arrête, regarde attentivement par la fenêtre basse de la pauvre maison, fait un mouvement de surprise, et, se retournant vivement vers nous :

— De l’argent !… — s’écrie-t-il tout bas, — plus de cent francs peut-être !…

Et, d’un geste, me recommandant le silence, il nous fit signe de nous approcher.

Nous vîmes alors par la fenêtre une sorte de réduit séparé d’une écurie par des claies de pare à moutons, laissant entre elles un passage étroit, Bamboche, du bout du doigt, nous montra dans un coin de ce réduit un grabat sur lequel étincelaient, frappées par un rayon du soleil couchant, plusieurs pièces de cinq francs.

La maison était silencieuse ; à travers l’étable on voyait au loin la porte ouverte, qui donnait sur une cour remplie de fumier.

Après un moment de réflexion, Bamboche nous dit :