Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/177

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— Basquine, va faire le guet dans le sentier ; moi et Martin, nous entrerons dans la maison par cette fenêtre ; Martin ira fermer en dedans la porte de l’écurie, afin d’empêcher que je ne sois surpris pendant que je ramasserai le pièces de cent sous… ce qui demandera un bout de temps.

— Ça va, — lui dis-je, — ramasse l’argent… je vais fermer la porte.

— Et, en cas de poursuite, — reprit Bamboche, — ne pensons qu’à filer chacun de son côté ; nous nous rallierons au bout de trois ou quatre heures à la montée de la grande route d’où nous avons aperçu le village, vous savez, à l’endroit où il y a une grande croix de pierre.

— Oui, — dis-je ainsi que Basquine, — je sais l’endroit, j’ai remarqué la croix.

Bamboche, faisant alors signe à notre compagne d’aller se mettre au guet au bout du sentier, sauta d’un bond dans le petit réduit par la fenêtre ouverte.

Je le suivis, et pendant qu’il courait au grabat pour prendre l’argent, je m’élançai à la porte de l’écurie… j’allais tirer cette porte à moi, lorsqu’un homme venant de la cour, et que je n’avais pu apercevoir, parut soudain, et, quoique un peu surpris, me dit doucement :

— Que fais-tu là, mon enfant ?

Au lieu de répondre, je poussai un cri d’alarme convenu avec Bamboche, et je me jetai aux jambes du nouveau-venu, les saisissant si violemment entre mes deux bras, qu’à cette attaque imprévue, il perdit l’équilibre, tomba… et pendant quelques secondes il fit de vains efforts pour se relever, tant je me cramponnais à ses jambes avec acharnement.

Je ne pouvais avoir longtemps l’avantage dans cette lutte inégale ; aussi cet homme me saisissant bientôt d’une main vigoureuse, me fit sortir de l’écurie, et m’amena dans la cour, sans doute pour mieux m’examiner, ne soupçonnant pas alors qu’il venait d’être volé, et que j’étais complice de ce vol.