geai qu’aux périls que pouvaient courir Bamboche et Basquine, car si l’alarme était donnée par Claude Gérard, si tous les habitants du village se mettaient à battre les champs, les deux voleurs ne pouvaient manquer d’être arrêtés. Cette idée me désespérait, peut-être moins encore cependant que la possibilité d’une séparation.
— Au moins, en prison, — me disais-je avec l’égoïsme de l’amitié, — je serais avec Bamboche et Basquine.
Au bout d’une heure, je vis une douzaine de vaches entrer dans la cour et se diriger vers l’étable, conduites par un enfant de mon âge ; presque au même instant une femme, mise avec une certaine recherche, parut dans la cour et, d’une voix aigre, impérieuse, appela plusieurs fois très-impatiemment :
— Claude Gérard !
À ces cris le petit vacher sortit de l’étable et dit à la femme :
— Le maître d’école n’est pas là, Madame Honorine.
— Comment ! il n’est pas là ? — reprit aigrement dame Honorine, — et où diable est-il ?
— Je ne sais pas, moi… Il n’y a personne dans sa chambre, et la fenêtre est ouverte.
— Vous allez voir que je vais être forcée d’attendre M. le maître d’école, — dit dame Honorine en se parlant à elle-même avec un courroux concentré.
Et dame Honorine se mit à aller de çà et de là, à quelques pas de ma logette, avec une irritation croissante.
C’était une femme de trente-cinq ans peut-être, assez petite et très-replète ; elle avait les sourcils épais et noirs, la joue rebondie et vivement colorée, l’air gaillard et hautain ; elle portait une belle robe de soie, une chaîne d’or au cou et un bonnet à nœuds de ruban, qui laissait voir ses bandeaux de cheveux noirs bien lustrés.
Dame Honorine fulminait entre ses dents depuis dix minutes environ, lorsque je vis rentrer Claude Gérard, la figure pâle, bouleversée…
Il était seul…
Mon cœur bondit de joie. Basquine et Bamboche étaient sauvés… ils n’avaient pu être atteints.