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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/293

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les volets, malgré mes instances, mes prières, et je ne pus connaître la demeure de Bamboche.

Si incertaine que fût l’espérance qui me restait, j’y trouvais du moins la certitude que Bamboche était à Paris, et j’avais chance de le voir le soir même. Je revins auprès du cocher, et je lui dis :

— Savez-vous où est le cabaret des Trois-Tonneaux ? On m’a dit que ce n’était pas loin d’ici. Une fois arrivé à ce cabaret, vous pourrez donner à manger à vos chevaux… et manger vous-même.

— Le cabaret des Trois-Tonneaux ? je ne connais que ça, — me répondit joyeusement le cocher. — Le dimanche et le lundi soir, je stationne souvent à la porte. À la bonne heure, bourgeois, vous pourrez me faire attendre dans des endroits pareils tant qu’il vous plaira ; mes bêtes et moi, nous ne nous en plaindrons pas. Dans dix minutes vous y serez.

Et nous nous dirigeâmes vers le cabaret des Trois-Tonneaux.

Pour la première fois, depuis le matin, je songeai que les frais de la voiture, que je n’avais pas quittée depuis mon arrivée, devaient être considérables, relativement à mes faibles ressources. Mais, ne connaissant nullement Paris, cette dépense m’avait été forcément imposée par la nature même de mes recherches. Voyant ces recherches à peu près à leur terme, je résolus d’abord de payer le fiacre… mais bientôt, cédant à une pensée niaise, absurde, mais que peut-être comprendront ceux-là qui se sont trouvés dans une position analogue à la mienne, je n’eus pas le courage de renvoyer ce fiacre avant d’être certain de rencontrer Bamboche… Et pourquoi gardai-je cette voiture si coûteuse et si inutile pour moi ? Parce que, sans aucune connaissance dans cette ville immense, il me semblait que le cocher, qui depuis le matin me voiturait, n’était pas un étranger pour moi.

Certes une telle idée me paraît, à cette heure, tristement stupide ; mais quand je me rappelle l’effrayante, l’indicible sensation que je ressentais en me disant :

Si je ne retrouve pas Bamboche ce soir… je suis seul dans cette ville immense, seul, sans ressources, sans connaître personne, — je