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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/332

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312 LE BERGER NE KRAVAN,

assuré el justement payé leur aura rendu leur indépendance ; or, c’est ce droit au travail, c’est ce droit de vivre dignement en travaillant que les ennemis de la République voudraient refuser aux citoyens, afin de les maintenir toujours dans la dépendance, dans l’espèce d’esclavage où ils les ont toujours tenus sons les royautés : maïs, patience, père Mathu- rin, patience, ce droit au travail, malgré les efforts et les colères de M. Thiers et de ses complices, est à peu près écrit dans la Constitution de la République ; le temps et le suffrage universel feront le reste...

— Ce que vous dites, monsieur, du droit «uw travail vient à point, à propos du pe- ut livre de M, Charles Dupin, dont nous avons déjà parlé ; il traite aussi du travail des ouvriers des villes, et est intitulé Bien-être et concorde : ce joli titre m’avait d’abord alléché, mais j’ai été fort attrapé ; aussi m’est avis que ce petit livre devrait plutôt s’ap- peler Mal-être et discorde, car M. Dupin est en discord avec lui-même et prouve le mal-être des gens au lieu de prouver leur bien-être. Tenez, monsieur, j’ai marqué deux passages, celui-ci d’abord :

Et Le vieux berger lut ce qui suit :

« IL faut mettre en lumière d’autres résultats relatifs aux établissements d’industrie » qui, pour prospérer, ont besoin de grands capitaux, et qui réunissent à l’ombre du » méme toit un nombre d’ouvriers considérable ; c’est depuis le commencement de notre » siècle et surtout depuis la paix générale que ces vastes élablissements se sont dé- » veloppés et ont prospéré en France avec une merveilleuse rapidité : c’est donc en » améliorant la condition des travailleurs et von pas en l’empirant que les grandes ma- » nufactures ont rassemblé, ont conservé leurs ouvriers : loin qu’il en soit résulté pour » ceux-ci des souffrances et de la misère, leur bien-élre s’est au contraire accru par » l’effet d’un libre appel au travail collectif, »

— Diable ! me suis-je dit en lisant cela, — reprit le vieux berger, — voici qui est superbe ; les grandes manufactures prospèrent, les ouvriers prospèrent, lout va donc pour le mieux dans les villes ; ça n’est point du tout comme dans nos pauvres campa- gnes, bien qu’en dise M. Charles Dupin ; mais enfin savoir nos frères des villes heureux, il semble que ça rende notre détresse moins dure... et puis de grands manufacturiers s’en- richissent, puisque leurs établissements prospèrent en France avec une merveilleuse rapidilé comme dit ce savant homme. Tant mieux, 11 ÿ à parfois de bons enrichis, et alors Jacques Bonhomme s’en aperçoit. Mais voilà-t-1l pas que plus loin je lis dans le même ouvrage du même M. Dupin (voyez page 49).

Et le vieux berger reprit sa lecture :

« Lorsqu’on pénètre le secret des affaires industrielles, qu’aperçoit-on trop de fois » sous les dehors des profits les plus attrayants ? Des sources cachées de revers inévi- » tables, dont ies séductions réduisent aux résultats les plus modestes la valeur défini- » tite des revenus manufacturiers ; souvent même, loin que les revenus surabondent, » le fabricant se trouve en perte et n’en ditmot. , . 44 » Le manufacturier qui sent la terre manquer sous ses pas, saisit en idée le moindre ra- » meau qu’il croit pouvoir le sauver ; il se cramponne à l’espérance, 1l continne le jeu » de sa décadence, et, dans l’expectative d’un retour à la fortune, ce qu’il trouve au terme de cette pente, c’est la ruine fatale ! Ainsi lels établissements qu’on en- » viail, quon admirait, on les voit tout à coup tomber, même au milieu des » Lemps paisibles où la confiance est au comble. »

— Ah çà, monsieur Dupin, entendons-nous, — repril le père Mathurin, — Page 45 vous commencez dans le goût de la chansonnette de M. Thiers. Votre societé épanouie comme une fleur à la rosée et au soleil, etc.. etc... En un mot, selon vous, les manu- facturiers prospèrent, les ouvriers prospèrent, tout prospère ; vous me mettez du baume dans le sang. Mais qu’est-ce que je lis page 49 ? que l’on s’apercoël trop de fans que le manufacturier se trouve en perle, et que trop souvent ces grands établissements que