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Page:Sue - Les mystères de Paris, 1ère série, 1842.djvu/62

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l’an. Tu sais, il y a toujours des boutiques de joujoux sur le Pont-Neuf ; toute la soirée j’en avais eu des éblouissements…, rien qu’à regarder toutes ces belles poupées, tous ces beaux petits ménages… tu penses, pour un enfant…

— Et tu n’avais jamais eu de joujoux, Goualeuse ? — dit le Chourineur.

— Moi ! es-tu bête, va !… Qui est-ce qui m’en aurait donné ? Enfin, la soirée finit ; quoiqu’en plein hiver, je n’avais qu’une mauvaise guenille de robe de toile, ni bas, ni chemise, et des sabots aux pieds ! il n’y avait pas de quoi étouffer, n’est-ce pas ? Eh bien ! quand la borgnesse m’a pris la main, je suis devenue toute en nage. Ce qui m’effrayait le plus, c’est qu’au lieu de jurer, de tempêter, la Chouette ne faisait que marronner tout le long du chemin entre ses dents… Seulement, elle ne me lâchait pas, et me faisait marcher si vite, si vite, qu’avec mes petites jambes j’étais obligée de courir pour la suivre. En courant j’avais perdu un de mes sabots ; je n’osais pas le lui dire ; je l’ai suivie tout de même avec un pied nu… En arrivant je l’avais tout en sang.