Page:Sue - Les mystères de Paris, 1ère série, 1842.djvu/90

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ges — ajouta gravement le Chourineur, en manière de parenthèse physiologique.

— Et tes parents, ta famille ?

— Mes parents ? Logés au même numéro que ceux de la Goualeuse… Lieu de ma naissance ? Le premier coin de n’importe quelle rue, la borne à gauche ou à droite, en descendant ou en remontant vers le ruisseau.

— Tu as maudit ton père et ta mère de t’avoir abandonné ?

— Ça m’aurait fait une belle jambe !… Mais c’est égal, ils m’ont joué une mauvaise farce en me mettant au monde… Je ne m’en plaindrais pas, si encore ils m’avaient fait comme le Meg des megs[1] devrait faire les gueux, c’est-à-dire sans froid, ni faim, ni soif ; ça ne lui coûterait rien, et ça coûterait pas tant aux gueux d’être honnêtes.

— Tu as eu faim, tu as eu froid, et tu n’as pas volé, Chourineur ?

— Non ! et pourtant j’ai eu bien de la misère, allez… J’ai fait la tortue[2] quelquefois

  1. Dieu. N’est-il pas étrange et significatif que le nom de Dieu se trouve jusque dans cette langue corrompue.
  2. J’ai jeûné.