Page:Sue - Les mystères de Paris, 1ère série, 1842.djvu/91

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pendant deux jours, et plus souvent qu’à mon tour… Eh bien ! je n’ai pas volé.

— Par peur de la prison ?

— Oh ! c’te farce ! — dit le Chourineur en haussant les épaules et riant aux éclats. — J’aurais donc pas volé du pain par peur d’avoir du pain ?… Honnête, je crevais de faim ; voleur, on m’aurait nourri en prison !… Non, je n’ai pas volé parce que… parce que… enfin parce que ce n’est pas dans mon idée de voler.

Cette réponse véritablement belle, et dont le Chourineur ne comprit pas la portée, étonna profondément Rodolphe.

Il sentit que le pauvre qui restait honnête au milieu des plus cruelles privations était doublement respectable, puisque la punition du crime pouvait devenir pour lui une ressource assurée.

Rodolphe tendit la main à ce malheureux sauvage de la civilisation, que la misère n’avait pas absolument perdu.

Le Chourineur regarda son amphitryon avec étonnement, presque avec respect ; à peine il osa toucher la main qu’on lui of-