Page:Sue - Les mystères de Paris, 10è série, 1843.djvu/319

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quatre malheureux enfants n’ayant pour toute couverture que la toile mince de la paillasse ; enfin, à côté, sur un escabeau, le père qui ne dort pas, mais qui dormaille.

« Personne ne repose, car la faim et le froid tiennent les yeux ouverts, bien ouverts. On ne sait pas combien est rare et précieux pour le pauvre le sommeil profond, salutaire dans lequel il répare ses forces et oublie ses maux. Il s’éveille si allègre, si dispos, si vaillant au plus rude labeur, après une de ces nuits bienfaisantes, quel les moins religieux, dans le sens catholique du mot, éprouvent un vague sentiment de gratitude, sinon envers Dieu, du moins envers… le sommeil ; et qui bénit l’effet, bénit la cause. »

Pauvres gens ! ils ne dorment pas, et cependant si le sommeil descendait sur eux, une heure seulement, que cette heure leur apporterait d’oubli, de bonheur ! oublier ses maux, c’est presque être heureux.

Pauvres gens ! ils ont faim, ils ont froid, et il y a là sur l’établi des diamants dont le plus petit leur assurerait du pain et du feu pour toute leur vie. Morel le sait, mais la pensée du vol ne souille pas un instant son esprit. Il a cette vertu qui honore tous les hommes mais qui sanctifie le pauvre, la probité !

« Sans doute, il fait son devoir… simplement son devoir d’honnête homme ; mais parce que ce devoir est simple, son accomplissement est-il moins grand, moins beau ? Les conditions dans lesquelles s’exerce le devoir ne peuvent-elles pas d’ailleurs en rendre la pratique plus méritoire encore… Et puis, cet artisan, restant si malheureux et si probe auprès de ce trésor, ne représente-t-il pas l’immense et formidable majorité des hommes qui, voués à ja-