Page:Sue - Les mystères de Paris, 10è série, 1843.djvu/391

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Voilà qui est grand ! voilà qui est imposant ! Dans cette chapelle ardente, au pied de l’autel que surmonte l’image d’un Dieu de miséricorde et de paix ; à côté du cercueil que la loi va prématurément clouer sur lui, le patient est agenouillé, entre l’attente du châtiment des hommes et l’espoir d’un divin pardon. Pendant trois jours, les prêtres psalmodient les prières des agonisants et les cloches des églises annoncent à la ville qu’un criminel fait la veille de l’échafaud. On conçoit alors qu’en entrant dans cette chapelle le peuple éprouve une crainte salutaire devant ce spectacle imposant et lugubre.

De plus observons qu’on arrive encore, par ce moyen, à faire comprendre aux condamnés toute l’énormité de leurs crimes, et à les rendre à Dieu humbles et repentants. En France, au contraire, vu le peu de temps qui s’écoule entre le moment où l’on apprend au coupable la chute de sa dernière espérance et l’heure de l’exécution, vu l’isolement obscur où il est laissé, le bourreau ne frappe qu’un cadavre, ou bien le patient salue la guillotine avec un cynisme révoltant et qui dépose, dans les masses, des germes de mépris et de dédain pour le châtiment social. En un mot le condamné est encore brisé par la révolution violente que lui a causée la nouvelle de sa fin prochaine, et se laisse faire atone, inerte, sans voix ; ou rien ne l’a élevé vers le repentir. Dans l’un et l’autre cas, le but du législateur n’est pas atteint.

Non, certes ! le spectacle de l’échafaud ne moralise pas. Rien de plus ignoble et de plus mesquin à la fois qu’une exécution. La nouvelle, quoique tenue secrète, a transpiré. La foule, avide et inquiète, s’agite dans le parcours ordinaire de la fatale charrette. Un cri se fait entendre : « Le voilà ! » et sitôt, tous se précipi-