Page:Sue - Les mystères de Paris, 10è série, 1843.djvu/392

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tent, se heurtent, se renversent… Quelques gendarmes entourent la voiture, et quelle voiture ! Un prêtre est à côté du patient ! derrière, et assis sur un panier, se tient le bourreau. Ces détails circulent de bouche en bouche, on interpelle le misérable qui marche vers l’éternité… des injures, des blasphèmes se croisent, et c’est ainsi qu’on arrive au pied de l’échafaud.

Là, le patient embrasse une dernière fois le prêtre, on le hisse sur la plate-forme et, un instant après, tout est fini ; puis la foule s’écoule, et il ne reste que quelques enfants qui s’amusent à jouer sur la guillotine en attendant que le charpentier vienne la démonter. Rien de plus ignoble et de plus mesquin, nous le répétons. En France, le bourreau conduisant un criminel à la mort ressemble au boucher qui mène des bêtes à l’abattoir. Il n’y a de différence que dans le patient.

« En Espagne, le jour du supplice est un jour de deuil public : les cloches de toutes les paroisses sonnent les Trépassés ; le condamné est lentement conduit à l’échafaud, avec une pompe imposante, lugubre, son cercueil toujours porté devant lui ; les prêtres chantent les prières des morts, marchant à ses côtés ; viennent ensuite les confréries religieuses, et enfin les frères quêteurs demandant à la foule de quoi faire dire des messes pour le repos de l’âme du supplicié.

» Sans doute, tout cela est épouvantable ; mais cela est logique, mais cela est imposant… mais cela montre que l’on ne retranche pas de ce monde une créature de Dieu pleine de vie et de force comme on égorge un bœuf.

» Au point de vue de la société, de la religion, de