Page:Sue - Les mystères de Paris, 2è série, 1842.djvu/243

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énergie froide, pour qui la vie est peu de chose. Il a toujours été si malheureux… et l’on dirait que vous prenez encore plaisir à le torturer !

— Pensez-vous cela ? mon Dieu !

— C’est sans le vouloir, peut-être ; mais cela est… Oh ! si vous saviez combien ceux qu’une longue infortune a accablés sont douloureusement susceptibles et impressionnables ! Tenez, tout à l’heure, j’ai vu deux grosses larmes rouler dans ses yeux.

— Il serait vrai ?

— Sans doute… Et cela au milieu d’un bal ; et cela au risque d’être perdu de ridicule si l’on s’apercevait de cet amer chagrin. Savez-vous qu’il faut bien aimer pour souffrir ainsi… et surtout pour ne pas songer à cacher au monde que l’on souffre ainsi ?…

— De grâce, ne me parlez pas de cela — reprit madame d’Harville d’une voix émue ; — vous me faites un mal horrible… Je ne connais que trop cette expression de souffrance à la fois si douce et si résignée… Hélas ! c’est la pitié qu’il m’inspirait qui m’a perdue… — dit involontairement madame d’Harville.