Page:Sue - Les mystères de Paris, 4è série, 1842.djvu/100

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— Il appelait ainsi un petit casier où il mettait tous les recueils de chansons nouvelles… Il les achetait et il les savait toutes. Quand il n’y avait donc que du pain à la maison, il prenait dans sa bibliothèque un vieux livre de cuisine, et il nous disait : Voyons, qu’est-ce que nous allons manger aujourd’hui ? Ceci ? cela ?… et il nous lisait le titre d’une foule de bonnes choses ; chacun choisissait son plat ; papa Crétu prenait une casserole vide, et, avec des mines et des plaisanteries les plus drôles du monde, il avait l’air de mettre dans la casserole tout ce qu’il fallait pour composer un bon ragoût, et puis il faisait semblant de verser ça dans un plat vide aussi, qu’il posait sur la table, toujours avec des grimaces à nous tenir les côtes ; il reprenait ensuite son livre, et pendant qu’il nous lisait, par exemple, le récit d’une bonne fricassée de poulet que nous avions choisie, et qui nous faisait venir l’eau à la bouche… nous mangions notre pain… avec sa lecture, en riant comme des fous.

— Et ce joyeux ménage avait des dettes ?

— Jamais !… Tant qu’il y avait de l’argent, on noçait : quand il n’y en avait pas, on dînait