Page:Sue - Les mystères de Paris, 4è série, 1842.djvu/378

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miné, charmé, recula tout interdit, ôta machinalement le bonnet de soie noire qui couvrait son crâne, et salua profondément.

Rien n’était, en effet, plus gracieux et plus fier que le visage et la tournure de madame de Lucenay ; elle avait pourtant alors trente ans bien sonnés, une figure pâle et un peu fatiguée ; mais aussi elle avait de grands yeux bruns étincelants et hardis, de magnifiques cheveux noirs, le nez fin et arqué, la lèvre rouge et dédaigneuse, le teint éclatant, les dents éblouissantes, la taille haute et mince, souple et pleine de noblesse, une démarche de déesse sur les nuées, comme dit l’immortel Saint-Simon.

Avec un œil de poudre et le grand habit du dix-huitième siècle, madame de Lucenay eût représenté au physique et au moral une de ces libertines[1] duchesses de la Régence qui mettaient à la fois tant d’audace, d’étourderie et de séduisante bonhomie dans leurs nombreuses amours, qui s’accusaient de temps à autre de leurs erreurs avec tant de fran-

  1. Alors libertinage signifiait indépendance de caractère, insouciance du qu’en-dira-t-on.