Page:Sue - Les mystères de Paris, 4è série, 1842.djvu/83

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comme des calomnies ou des indiscrétions.) Rigolette, disons-nous, ne choisissait ses amoureux que dans sa classe, c’est-à-dire ne choisissait que ses voisins… et cette égalité devant le loyer était loin d’être chimérique.

Un opulent et célèbre artiste, un moderne Raphaël dont Cabrion était le Jules Romain, avait vu un portrait de Rigolette, qui, dans cette étude d’après nature, n’était aucunement flattée. Frappé des traits charmants de la jeune fille, le maître soutint à son élève qu’il avait poétisé, idéalisé son modèle ; Cabrion, fier de sa jolie voisine, proposa à son maître de la lui faire voir comme objet d’art, un dimanche, au bal de l’Hermitage. Le Raphaël, charmé de cette ravissante figure, fit tous ses efforts pour supplanter son Jules Romain. Les offres les plus séduisantes, les plus splendides, furent faites à la grisette : elle les refusa héroïquement, tandis que le dimanche, sans façon et sans scrupule, elle acceptait d’un voisin un modeste dîner au Méridien (cabaret renommé du boulevard du Temple) et une place de galerie à la Gaîté ou à l’Ambigu.

De telles intimités étaient fort compromet-