Page:Sue - Les mystères de Paris, 8è série, 1843.djvu/70

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sûr de pouvoir le lendemain matin rendre l’argent que vous preniez seulement pour quelques heures, afin de sauver une famille entière de la ruine, de la mort, peut-être.

— Il n’importe, aux yeux de la loi, aux yeux des honnêtes gens, c’est un vol. Sans doute il est moins mal de voler dans un tel but que dans tel autre ; mais, voyez-vous, cela c’est un symptôme funeste que d’être obligé, pour s’excuser à ses propres yeux, de regarder au-dessous de soi… Je ne puis plus m’égaler aux gens sans tache… Me voici déjà forcé de me comparer aux gens dégradés avec lesquels je vis. Aussi, à la longue… je m’en aperçois bien, la conscience s’engourdit, s’endurcit… Demain, je commettrais un vol, non pas avec la certitude de pouvoir restituer la somme que j’aurais dérobée dans un but louable, mais je volerais par cupidité, que je me croirais sans doute encore innocent, en me comparant à celui qui tue pour voler… Et pourtant, à cette heure, il y a autant de distance entre moi et un assassin, qu’il y en a entre moi et un homme irréprochable… Ainsi, parce qu’il est des êtres mille fois plus dégradés