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enfant qu’il aimait avec une passion aussi profonde qu’incroyablement précoce pour son âge.

La fièvre chaude de Bamboche s’étant compliquée d’une fièvre typhoïde, on l’avait isolé de Basquine par ordre du médecin ; je partageais donc mes soins entre ma nouvelle compagne et mon ami.

Basquine, arrivée le soir, couchée aussitôt tout éplorée dans notre grande voiture, était tombée gravement malade cette nuit-là même, et n’avait pu voir Bamboche qu’environ un mois après qu’elle fut entrée dans notre troupe.

Le désespoir de Basquine se manifesta d’abord par des sanglots incessants, entrecoupés de ces cris : Papa… papa… au secours… comme si son père pouvait l’entendre ; puis, lorsque la malheureuse enfant n’avait plus la force de pleurer, elle tombait en proie à une crise nerveuse, bientôt suivie d’un morne accablement ou d’un pénible sommeil, agité par des rêves sinistres.

Je passais auprès d’elle tout le temps que je ne passais pas auprès de Bamboche ; elle semblait à peine s’apercevoir de ma présence ; sombre, concentrée, défiante, elle ne prononçait pas une parole. La mère Major s’était mise en règle en montrant l’engagement signé de la femme du charron ; précaution inutile,… car l’enfant resta opiniâtrement muette et ne répondit à aucune question. Un médecin vint la voir, mais elle s’obstinait à ne prendre rien de ce qu’on lui ordonnait ; j’imaginai de lui promettre, si elle se montrait raisonnable, une prochaine entrevue avec son père.

Il me semble voir encore Basquine, couchée dans le grand lit d’une triste et misérable chambre ; sa char-