Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 3-4.djvu/126

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mante figure, pâle, marbrée, avait incroyablement maigri en quelques jours ; ses beaux cheveux blonds, ordinairement bouclés, mais alors humides d’une sueur froide et fiévreuse, tombaient en mèches presque droites autour de son visage et de ses épaules ; elle tenait fixement levés vers le plafond ses grands yeux secs, rougis et gonflés, tandis que ses deux petites mains se croisaient sur sa poitrine.

Lorsque je lui eus dit :

— Écoute… Basquine… si tu es bien sage, si tu veux boire ce qui est dans cette tasse… tu reverras bientôt ton père ! — trop faible pour se lever sur son séant, elle retourna vivement la tête vers moi ; ses yeux devinrent humides, de grosses larmes y roulèrent bientôt, ses lèvres tremblèrent, et elle me dit de sa petite voix douce et affaiblie :

— Tu ne mens pas ?

Un moment troublé par l’innocence de ce regard, où se lisaient à la fois l’espoir et une douloureuse défiance, j’hésitai, puis je répondis d’une voix émue :

— Non… je ne mens pas.

Sans doute Basquine remarqua mon hésitation ; car elle reprit, en me regardant fixement :

— Ne mens pas… vois-tu ? la bonne sainte Vierge en pleurerait…

J’entendais parler pour la première fois de la bonne sainte Vierge ; néanmoins je répondis intrépidement :

— Non… je ne mens pas !

— Je reverrai papa… si je bois cela ? — dit Basquine sans me quitter des yeux.