Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 3-4.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mie. — Oui, je suis resté près d’elle toutes les nuits et tous les moments que je ne passais pas auprès de toi…

— Et tu restais seul avec elle ? — me dit-il d’une voix de plus en plus concentrée.

— Tout seul ; la mère Major était toujours avec Poireau ; l’homme-poisson venait quelquefois aussi veiller Basquine, mais pas souvent, car il était si fatigué de faire la cuisine et le ménage qu’il se couchait tout de suite.

— Tu restais tout seul avec elle ?… — répéta Bamboche, — et ses yeux brillaient d’un feu sombre.

— Eh ! oui,… je restais seul avec elle ; mais… qu’est-ce que tu as donc ?… Comme tu me regardes !

Bamboche fit un brusque mouvement pour se précipiter sur moi, mais ses forces le trahirent, et il tomba presque hors de son lit en murmurant :

— Brigand !… tu l’aimes… oui — ajouta-t-il en se cramponnant péniblement à son chevet, car, frappé de stupeur, je ne songeais pas à lui venir en aide ; — oui… tu l’aimes… tu t’es fait aimer d’elle… tu lui as dit du mal de moi… j’en suis sûr… je vous tuerai tous les deux…

Cette violente émotion épuisa ses forces à peine renaissantes, et il retomba sans mouvement sur son lit.

Je n’avais pas d’abord compris le sentiment de jalousie qui irritait Bamboche contre moi ; mais lorsqu’il se fut plus clairement expliqué… je fus douloureusement indigné ; puis à cette indignation succéda au contraire une sorte de satisfaction remplie de mansuétude : j’avais la conscience de pouvoir non seulement calmer les jalouses anxiétés de Bamboche, mais encore lui