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prouver jusqu’à quel point j’avais poussé le dévoûment pour lui.

À la violente sortie de mon compagnon avait succédé un grand abattement ; il restait immobile, étendu sur son lit ; je me penchai vers lui ; je fus navré de l’expression de sa figure ; ce n’était plus de la colère, de la haine, c’était un douloureux, un poignant désespoir. Ses joues creuses ruisselaient de larmes… Je me penchai vivement vers lui ; il ferma les yeux pour ne pas me voir, et ses pleurs continuèrent de couler abondamment.

Je fus profondément, et si cela se peut dire, tendrement ému de cette douleur, de cette sorte de faiblesse si rare chez ce garçon ordinairement d’une rudesse, d’une violence extrêmes. Quel bonheur pour moi, tout-à-l’heure, — pensai-je, — de le détromper… de lui dire… de lui prouver combien j’ai été loin de vouloir éloigner Basquine de lui !…

— Tu pleures… — dis-je à Bamboche.

— Eh bien ! oui… je pleure… c’est lâche… je le sais bien, — me répondit-il d’une voix désolée, — mais je ne peux pas m’en empêcher… On m’aurait coupé en morceaux qu’on ne m’aurait jamais arraché un cri… mais, à cette heure, je souffre au cœur comme si on me le tordait, et je pleure malgré moi.

Puis, revenant à la violence naturelle de son caractère, Bamboche ajouta entre ses dents :

— Mais je ne serai pas toujours aussi lâche !!… va… de toi et d’elle… je me vengerai… Oh, oui, je me vengerai…

— Je ne te demande qu’une chose, — lui dis-je en