La scène continuait sur ce ton aux grands éclats de rire de la foule.
Ces ignobles équivoques à peine rimées, ces misérables gravelures étaient surtout destinées à servir de prétexte, de cadre, aux jeux de scène, aux sales réticences du paillasse, et à faire valoir comme contraste, la gentillesse enfantine et provoquante de sa compagne.
Jamais la verve immonde du bateleur ne m’avait apparue plus licencieuse que ce jour-là ; l’allure effrontée, le geste obscène, les yeux étincelants, deux ou trois fois, en s’approchant de Basquine pour lui prendre la taille, il avait été tellement loin dans sa pantomime cynique, que quelques spectateurs le huèrent, mais le plus grand nombre applaudit avec des rires grossiers.
J’assistais, invisiblement, à cette scène, à la faveur d’un trou pratiqué dans l’une des toiles de l’entourage, lorsque je vis la mère Major à quelques pas de moi. Elle ne pouvait m’apercevoir… Je fus effrayé de l’expression de colère, de haine presque féroce que je surpris sur son visage, enluminé d’une couche de fard éclatant, car elle était en costume de sauvagesse. Ses yeux brillaient d’un feu sombre ; ses grosses lèvres, surmontées d’une légère moustache, tressaillaient convulsivement ; deux ou trois fois, elle raidit ses bras en fermant ses énormes poings, comme si elle eût menacé quelqu’un.
Tout d’abord il ne me vint pas un moment à la pensée que cette vindicative mégère, ayant le paillasse pour amant, pouvait être jalouse de ce misérable, dont l’ignoble pantomime, dans sa scène avec Basquine, avait pourtant exaspéré jusqu’à la rage la jalousie de l’Alcide femelle.