Je ne songeai donc pas à chercher la cause de la colère de la mère Major qui, d’ailleurs, après la scène de paillasse et de Basquine, disparut rapidement par une échelle intérieure.
Soulevant alors l’un des pans de la toile qui entourait les tréteaux, je m’approchai de Basquine pour la complimenter, car son succès avait été immense… quoique rien ne dût être à la fois plus pénible, plus révoltant, que d’entendre la voix argentine et pure de cette enfant se souiller d’obscénités de carrefours.
Et pourtant tels étaient le charme, la mélodie, l’agilité de la voix de Basquine, la gaîté, la grâce et l’agaçante gentillesse de son jeu, que la repoussante trivialité de cette scène disparut : des applaudissements frénétiques l’accueillirent, l’enthousiasme arriva même à ce point qu’une grande quantité de sous et même de pièces blanches tombèrent de tous côtés sur les tréteaux, largesse d’autant plus spontanée que cette scène, uniquement destinée à attirer le public dans l’intérieur de notre établissement, se passait en plein vent, était considérée comme gratuite, et ne devait être suivie d’aucune quête.
Aussitôt après cette munificence populaire, des cris forcenés de bis retentirent avec furie.
Toujours à demi caché sous les toiles, je m’étais rapproché de Basquine, joyeux et fier de la complimenter, car, ce qui m’attriste à cette heure, me ravissait alors.
— J’espère qu’en voilà un triomphe ! — dis-je tout bas à Basquine, en soulevant la toile.
— Ne m’en parle pas, — me répondit l’enfant, toute animée, toute rayonnante, la joue en feu, le regard étincelant, — j’en suis folle… comme c’est amusant ! …