J’avais quitté les tréteaux avant Basquine, afin de courir auprès de Bamboche et de calmer sa jalousie…
Au moment où je passais le long d’un petit entourage de toile qui nous servait de foyer, j’entendis la grosse voix de la mère Major. Quoiqu’elle voulût parler bas et qu’elle tâchât de se contraindre, ses paroles arrivèrent jusqu’à moi.
Je m’arrêtai aussitôt.
— Je te dis que tu veux l’entortiller, brigand, et que je la tuerai, moi… cette petite couleuvre, — murmura la mégère, — il y a long-temps que je te guette.
— Tu ne tueras rien du tout, ma grosse… tu es trop lâche, — répondit la voix ignoble et enrouée du paillasse.
— Je ne la tuerai pas ? Non… non, c’est que je tousse… — dit la mère Major, en appuyant sur ces derniers mots avec un accent singulier.
Puis elle compléta sans doute la signification de ses paroles par une pantomime expressive, car, au bout d’une seconde de silence, le paillasse reprit sérieusement cette fois :
— Ah ! en toussant. Oui, c’est possible ; mais je t’en défie… tu n’oseras pas… devant le monde…
À un mouvement qui se fit derrière la toile où se tenaient ceux que j’écoutais, je m’esquivai lestement.
Je compris alors la cause de l’accès de fureur de la mère Major, je fus doublement effrayé pour Basquine : plus d’une fois elle m’avait appelé à son aide pour se défendre des brutalités du paillasse, me suppliant, de crainte de quelque malheur, de cacher ces tentatives à Bamboche, dont la jalousie était des plus irritables. La