Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 3-4.djvu/170

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pauvre enfant avait donc à redouter, et la jalousie de la mère Major et la haine du paillasse.

Je fus sur le point de tout révéler à Bamboche ; mais songeant que, d’après sa confidence, nous devions quitter la troupe cette nuit même, et ne voyant dans les paroles de la mère Major qu’une menace lointaine (paroles d’ailleurs incompréhensibles pour moi, puisqu’elle disait qu’en toussant elle pouvait tuer Basquine), je crus prudent de garder le silence, le danger ne me semblant pas imminent.

J’arrivai auprès de Bamboche presque en même temps que Basquine.

La pauvre petite s’approcha de lui, les mains jointes, les yeux humides, suppliants, la physionomie empreinte d’un indéfinissable mélange de déférence, de frayeur et de tendresse.

— Dis un mot… et je ne parais plus ce soir ; — murmura-t-elle d’une voix altérée.

Puis elle ajouta d’un ton résolu :

— Non, vois-tu… quand la Levrasse devrait me couper en morceaux, je ne parais plus ce soir, si tu me le défends…

— Maintenant, ça m’est égal… tu n’as plus à cramper qu’avec moi, Martin ou la mère Major… — répondit Bamboche d’une voix brusque qu’il tâcha de rendre dure ; mais son regard, mais sa figure trahissaient l’émotion que lui causait le dévoûment et l’énergique résolution de Basquine.

Aussi, voulant dissimuler son attendrissement, il se retourna en disant :

— On m’appelle.