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feignant de succomber au sommeil, et il s’établit par terre de son mieux pour dormir.

Basquine me jeta à la dérobée un regard désolé ; Bamboche nous avait prévenus que, sous le prétexte d’aller se coucher, il quitterait la table au milieu du repas, afin d’achever quelques préparatifs indispensables à notre fuite, nous recommandant de ne pas nous inquiéter de son absence ; mais voyant la Levrasse l’arrêter au passage et lui ordonner de rester, nous crûmes tout perdu : j’imaginai que notre maître avait surpris ou deviné nos projets, et que quelque méchant piège nous attendait.

Bientôt mes craintes redoublèrent, car, au bout d’un instant, la Levrasse tira un carnet de sa poche, y écrivit quelques mots au crayon, et, déchirant la feuille, la passa à la mère Major par-dessus la tête de l’homme-poisson.

La mère Major prit le feuillet sans le lire et regarda la Levrasse d’un air étonné.

— Les enfants ne peuvent pas entendre ces farces-là, — lui dit-il, en jetant sur Basquine un regard étrange.

La mère Major lut… aussitôt une expression de joie infernale éclata sur ses traits, et elle s’écria :

— Ça va…

Alors, remettant le papier au paillasse, elle lui dit d’un ton de défiance farouche :

— Et à toi ? Ça t’va-t-il ?

— Tiens, je crois bien… — reprit le pitre, avec un rire ignoble, après avoir lu. — Quand il n’y en a plus… il y en a encore.

— Oui, — s’écria la mère Major, d’une voix courroucée. — Mais je suis là.