Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 3-4.djvu/188

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— Enfin, ça va-t-il ? — reprit la Levrasse sans paraître se soucier de l’exclamation de la mégère.

— Oui… ça va, — reprit celle-ci.

— Ça va, — dit le paillasse.

Et rendant le papier à la Levrasse, il chantonna de sa voix enrouée le refrain populaire de l’Enfant do…, l’enfant do…, l’enfant dormira tantôt.

Puis il éclata de rire, pendant que la Levrasse brûlait le feuillet à la lumière d’un quinquet.

J’échangeai un regard avec Basquine ; je vis que, comme moi, elle craignait que les mystérieuses paroles que nous venions d’entendre, ne cachassent quelque nouveau péril pour nous, et n’eussent rapport à la découverte de nos projets d’évasion.

Machinalement je jetai les yeux sur la place où Bamboche s’était couché ;… il avait disparu, en rampant sans doute, et en soulevant la toile qui nous séparait de l’écurie de Lucifer, le grand âne noir.

Bamboche s’était-il ainsi éclipsé avant ou après la lecture du feuillet transmis par la Levrasse à ses acolytes ? Je l’ignorais ; mais mon anxiété redoubla.

Soudain la Levrasse se versa un grand verre de vin, fit signe au paillasse et à la mère Major de l’imiter ; puis, les verres pleins, il dit avec un accent singulier qui me parut sinistre :

— À la santé de Chaton !

Ce toast fut accueilli par les éclats de rire redoublés du paillasse et de la mère Major ; éclats de rire qui me parurent faux, sinistres.

La mère Major, se levant ensuite de table, dit de sa grosse voix enrouée :