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nous quitter, et, selon nous, il n’y avait pas de soldats sans guerre.) Par mon courage, je devenais quelque-chose comme capitaine ou général ; alors j’épousais ou j’enlevais Régina, pour de bon, cette fois.

Si absurde que fût ce roman enfantin, j’avais fini par le caresser avec une vague espérance… et, chose bizarre dont je me gardais bien de dire un mot à mes amis, souvent en songeant à Régina, j’avais comme un vague regret de la mauvaise vie que nous menions, et, malgré l’exemple de Bamboche, un instinct inexplicable me disait qu’il y avait quelque chose d’honnête, de pur, d’élevé dans l’amour…

Au milieu du trouble, de la douleur où m’avaient jeté les craintes que m’inspirait le sort de mes amis disparus, le souvenir de Régina ne m’était pas d’abord venu à l’esprit ; mais au milieu de mes incertitudes au sujet des offres de Claude Gérard, je pensai à Régina et je me dis :

— « Pour rien au monde je ne me serais séparé de mes amis ; mais, puisque ce malheur est arrivé, il me semble qu’en suivant les conseils de Claude Gérard, je me rapproche de Régina, et que cette pensée me rendra moins dure, moins pénible, la condition qui m’attend. »

À cette heure où, pour tant de raisons… hélas ! j’interroge scrupuleusement mes moindres souvenirs au sujet de Régina, je me rappelle parfaitement que, si extraordinaire qu’elle me paraisse maintenant, telle fut cependant la raison déterminante qui me ramena vers la maison de l’instituteur : — La pensée de me rapprocher de Régina en devenant meilleur.

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