alors que tous les buveurs avaient peu-à-peu disparu : il ne restait dans le cabaret que moi et mon voisin, toujours endormi ; cette solitude m’enhardit ; m’adressant au cabaretier :
— Combien vous dois-je, Monsieur ?
— Six sous de viande, deux sous de pain, c’est huit sous.
Je posai une pièce de monnaie sur le comptoir, et je dis :
— On m’a assuré, Monsieur, que le nommé Bamboche venait tous les soirs ici.
Au nom de Bamboche le cabaretier fronça le sourcil d’un air mécontent et répondit :
— Mon cabaret est public,… faut bien que j’y reçoive toute sorte de monde.
— Croyez-vous que Bamboche vienne ici ce soir, Monsieur ? — lui demandai-je.
— Je n’en sais rien ; mais s’il y vient, — me répondit le cabaretier en regardant la pendule, — il restera dehors ; voilà minuit, je vas fermer.
— Et demain, Monsieur, croyez-vous que Bamboche vienne ?
— Est-ce que je sais, moi ? Ce qu’il y a de sûr, c’est que j’aime autant qu’il vienne ici le moins possible… ça vous compromet une honnête maison, voilà tout.
Puis, me rendant ma monnaie, le cabaretier ajouta :
— Voilà minuit… bonsoir les pratiques !
Mais, regardant autour de lui, il vit mon voisin de table toujours endormi, et dit à demi-voix :
— Ah ! il reste encore le Monsieur à la pièce d’or et à la bouteille.