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Et le cabaretier s’approcha respectueusement du dormeur ; mais n’osant pas le secouer, il l’appela plusieurs fois :

— Monsieur !… Monsieur !

L’inconnu resta sourd à cet appel.

Je ne pouvais plus espérer de voir Bamboche ce soir-là. Le moment fatal était venu, il me fallait compter avec le cocher. Une fois cette dette payée qu’allait-il me rester ? où allais-je passer la nuit ?

Je sortis du cabaret.

La nuit était noire, humide, froide. Une des lanternes du fiacre était éteinte, l’autre s’éteignait. Le cocher dormait sur son siège… la rue était déserte.

Il me vint une pensée déloyale… m’éloigner sans payer cet homme… et lui laisser en nantissement le peu de linge et d’effets que contenait mon paquet de voyage… mais je ne cédai pas à cette tentation ; ayant hâte de sortir à tout prix de mon anxiété, j’éveillai le cocher, non sans peine.

— Hem !… qu’est-ce ?… ah ! voilà, bourgeois, — dit-il en se secouant et frissonnant dans son épais carrik, — il fait un froid noir qui vous gèle jusqu’aux os… je m’étais endormi… Ah ça ! où allons-nous, bourgeois ?

— Je reste ici — lui dis-je — veuillez me rendre mon paquet et me dire combien je vous dois.

Mon angoisse fut grande en prononçant ces derniers mots.

Le cocher tira sa montre, s’approcha de sa lanterne et me dit :

— Vous m’avez pris à deux heures et demie, bourgeois, il est minuit passé… ça nous fait neuf heures et