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femmes ; chevelures blondes, brunes, châtain, clair ou foncé ; ici rares et soyeuses ; là épaisses et rudes, plus loin touffues et crépues ; ailleurs, enfin, mélangées de quelques cheveux blancs, dissimulés aussi soigneusement que possible, car, hélas ! il était facile de voir que chacune de ces femmes avait de son mieux, ainsi que disait la Levrasse, paré sa marchandise..... Triste et douloureuse coquetterie que celle-là.

— Hum, hum, on ne m’enfonce pas, moi, d’abord, — disait la Levrasse, en passant et repassant devant le banc, inspectant, maniant, soupesant et toisant même chaque chevelure au moyen d’un pied-de-roi, afin de juger de la longueur, de la souplesse, du poids… et de la couleur des cheveux. — Non, non, on ne me fait pas la queue, à moi… et, c’est le cas de dire… — ajouta-t-il en ricanant, — nous connaissons les frimes… mes poulettes. Nous savons ce qu’on obtient avec la poudre de charbon, l’huile ou le saindoux… et comment on rend une vraie teignasse à-peu-près présentable.

Puis, ayant de nouveau examiné la marchandise, il s’écria :

— Par ma foi, je joue de malheur… Dans mes tournées, cette année… je ne trouve rien à ma convenance… pas plus ici qu’ailleurs… Décidément… — ajouta-t-il d’un air dédaigneux et mécontent, après avoir jeté un dernier coup-d’œil sur ces têtes cachées par des îlots de cheveux qui retombaient sur le front ; — décidément, rien de tout ça… ne me va… C’est de la pacotille… de la vraie camelotte.

Un soupir de déception douloureuse s’exhala de toutes ces poitrines, jusqu’alors comprimées par les an-