Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/219

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Elle devait avoir alors seize ou dix-sept ans ; sa taille, au-dessus de la moyenne, était svelte et remarquablement élégante, on pouvait seulement lui reprocher un peu de maigreur, maigreur… causée sans doute par la misère ou par les chagrins…

Basquine portait un maillot couleur de chair qui dessinait le charmant contour de ses jambes ; la beauté de ses bras, l’éclatante blancheur de sa poitrine et de ses épaules, semblaient plus éblouissantes encore par le contraste de sa courte jupe noire semée de figures cabalistiques rouges et argent ; sur son front couronné de magnifiques cheveux blonds relevés en tresses, se dressaient deux petites cornes d’argent, mobiles comme des aigrettes, tandis que, derrière ses larges épaules, polies comme du marbre, se balançaient deux ailes de crêpe noir… onglées de griffes d’argent.

Malgré cet appareil satanique bien voisin du ridicule… cette apparition me causa une impression profonde, tant je fus frappé du caractère véritablement diabolique que Basquine avait su donner à ses traits, cependant si remarquables par leur angélique pureté ; ne portant pas de rouge, elle semblait d’une pâleur alarmante ; ses grands yeux illuminaient seuls de leur éclat son visage blanc comme un linceul… Il faut renoncer à peindre l’indéfinissable contraste de ce regard brûlant, d’une ardeur presque fiévreuse, et de ce sourire amer… glacé… qui contractait cette figure d’une beauté divine… Un vague instinct me disait que ce n’était pas là un masque pris à plaisir, et seulement pour le besoin du rôle… Non… non… je me rappelais trop bien avec quel accent de ressentiment farouche Basquine avait