Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/306

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de notre vie passée, nous oubliâmes le présent et l’avenir, dans ce cordial souper qui dura jusqu’au jour.

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Au matin, je regagnai le logis de mes maîtres, gravement inquiet de savoir comment ils auraient considéré mon absence, car il me fallait à tout prix rester au service de Balthazar, ou plutôt au service de Robert de Mareuil, dont j’avais tant d’intérêt à pénétrer les démarches ; je me préparai donc à m’excuser, grâce à une fable assez adroitement arrangée. J’entrai dans l’appartement de mes maîtres ; la clé était sur la porte ; j’ouvris.

À ma grande surprise, je trouvai Balthazar faisant sa malle. Pauvre et digne poète ! elle fut bientôt pleine, et le plan architectural du splendide palais qu’il devait faire bâtir, la remplissait en grande partie.

La physionomie de Balthazar était grave, triste ; je ne l’avais jamais vu ainsi ; en m’apercevant il me dit affectueusement :

— Ah ! te voilà, Martin ?

— Monsieur, — lui répondis-je tout confus, — excusez-moi,… si… hier… j’ai manqué…

— Ne parlons pas de cela, Martin… je n’ai plus le droit de te gronder… mon pauvre serviteur d’un jour… Je pars…

— Vous partez, Monsieur ? — m’écriai-je et involontairement j’ajoutai : — Et M. le comte de Mareuil… votre ami ?…

— Mon ami… — reprit le poète en accentuant ces mots presque avec amertume — mon ami ?… il reste ici… il gardera cet appartement : l’hôtel et le quartier lui conviennent.