Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/59

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— Ce portefeuille… c’est donc cela ? J’avais comme une idée de la chose, — s’écria le bandit avec un sourire farouche et contraint. — Ah ! tu connais celui qui m’a fait manquer ce beau coup ?

— Celui-là, c’est moi.

— Toi !

— Oui, moi. J’étais enfant alors. Je vous dis cela pour que vous sachiez bien que je ne vous crains pas, car si, étant enfant, je vous ai à-peu-près cassé la tête avec une pelle, étant homme je vous la casserai probablement tout-à-fait avec cette masse de fer. Comprenez-vous ?

— Ah ! c’était toi, — murmura le bandit ; — nous parlerons de cela plus tard.

— Quand vous voudrez. En attendant, vous ne me retiendrez pas de force ici. Quant à vos offres… Je mourrai de misère plutôt que de les accepter.

— Tu sens bien, mon pauvre garçon, que je ne t’ai pas amené dans mon magasin sans prendre mes sûretés ; à l’heure qu’il est, tu es aussi compromis que moi : les habits que tu portes sont des habits volés, tu es venu coucher ici volontairement, tu as déjeûné ce matin avec moi, toujours volontairement ;… tout cela je peux le prouver. Ainsi me dénoncer, c’est te dénoncer. Quant à aller gagner ta vie sur le port, je t’en défie… maintenant, je t’ai signalé comme mouchard… il y a des raisons pour qu’on me croie, et, si tu reparais, on t’assomme tout-à-fait cette fois-ci… Ne compte pas appeler la garde… tu serais empoigné et emprisonné toi-même comme vagabond, et, deux heures après, on saurait…