Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/85

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course de longueur, comme vous voyez : et un peu dans le genre de celles que vous m’avez fait faire de la rue du Mont-Blanc à l’impasse du Renard. Arrivé aux terrains de la barrière Montmartre, mes tourtereaux descendent gais comme des pinsons, le jeune homme me paie en prince, ils avaient choisi sans doute cet endroit isolé afin de n’être pas vus descendant de fiacre ensemble. Je m’en revenais à vide, lorsque je vois à quelques pas un attroupement ; j’oblique de ce côté-là. — Qu’est ce qu’il y a donc là ? — Des gamins en allant jouer à cache-cache dans les constructions commencées, viennent d’y trouver un homme ; on dit qu’il est quasi mort de faim. — Ça me serre le cœur : j’allonge le cou ; qu’est-ce que je reconnais ? vous, mon pauvre garçon ! — Mon provincial ! — que je m’écrie : ça ne m’étonne pas… Ma foi, je n’en fais ni une, ni deux. Nous n’étions pas loin de nos écuries. Je descends, vous étiez évanoui ; je dis que je vous connais, je vous emballe dans mon fiacre, je vous emmène ici, on va chercher le médecin, il vient, nous dit que c’est de besoin que vous mourez, et qu’il faut vous faire avaler, petit à petit, un peu de bouillon ; on suit l’ordonnance, et j’espère bien que tantôt c’est beaucoup de bouillon que vous voudrez avaler, avec un bon verre de vin.

Et comme j’allais exprimer toute ma reconnaissance à cet excellent homme, il poursuivit :

— Minute… une bonne nouvelle ne vient pas seule, les chapeaux-cirés sont de bons enfants ; voilà ce que nous nous sommes dit les uns aux autres : — Michel, notre garçon d’écurie, est parti ; si ce pauvre jeune homme veut, en attendant, prendre sa place : ce n’est