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entre leurs maîtres. L’homme de confiance de M. Lebouffi, le célèbre député, était un grand homme, de noir vêtu, grave, composé, satisfait de soi, à cheveux gris et rares. Il me rendit mon salut avec une suffisance toute parlementaire.

Leporello (surnom qui me prouvait que l’antichambre n’était pas sans quelque littérature), loin de ressembler du reste au type du valet trembleur de Don Juan, était un jeune et joli garçon, à la figure éveillée, hardie, à la tournure leste, aux manières cavalières ; il portait assez élégamment des habits ayant sans doute appartenu à son maître ; il me parut être la coqueluche de ces dames, et se montrer fort assidu auprès de Mlle Astarté, la reine de la soirée.

— Nous attendions bien encore le beau Fœdor, — me dit Mlle Juliette après cette présentation en formes, — mais il ne faut pas plus compter sur lui que sur Mme Gabrielle, la femme de charge du comte Duriveau.

— Son maître, — dis-je à Juliette, tâchant de me mettre au ton médisant de notre réunion, — son maître est-il donc aussi tyran que le comte Duriveau ?

Ma question fut accueillie par un éclat de rire général. Me voyant un peu déconcerté, l’homme de confiance du député vint officieusement à mon secours, et dit d’un air capable :

— Notre honorable collègue ignorant sans doute quelle est la personne que sert le beau Fœdor, sa question est toute naturelle.

— C’est vrai, c’est vrai, — dirent plusieurs voix.

— Mon cher, — me dit Leporello d’un air dégagé, —