Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/12

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le beau Fœdor n’a pas de maître, mais il a une maîtresse… qui est la sienne… Comprenez-vous ?

— Ah !… Leporello ! Leporello ! — s’écrièrent plusieurs voix d’un ton de reproche, — êtes-vous mauvaise langue !

— Dire cela… tout de suite à M. Martin…

— Voyez, vous le confusionnez.

En effet, par un rapprochement stupide, j’avais involontairement songé à Régina… le rouge m’était monté au front, et, malgré mes efforts pour répondre d’une voix assurée à Leporello, je balbutiai :

— En effet… je… ne… je ne comprends pas bien.

— Voilà la chose, mon cher, — reprit Leporello avec un aplomb insolent, — le beau Fœdor est au service de Mme la marquise Corbinelli, il a cinq pieds sept pouces… vingt-cinq ans ; il est frais comme une rose et a de superbes favoris aussi noirs que les cheveux d’Astarté. Maintenant, surmontez-moi ce physique de sa vieille marquise italienne de cinquante ans, qui porte des diamants dans le jour, du rouge comme en carnaval, une perruque brune à raies de chair, et vous comprendrez, mon cher, pourquoi je dis que la maîtresse du beau Fœdor… est la sienne. Ah çà ! vrai ? est-ce que cela vous étonne ?

— Ma foi, oui, ça m’étonne, — repris-je en surmontant mon trouble, — et il me semble que cela doit paraître fort étonnant à tout le monde ! N’est-ce pas, Mesdames ? — ajoutai-je, espérant généraliser la conversation et échapper à l’attention dont j’étais l’objet.

— Étonnant ? mais non… pas si étonnant, — dit