Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/139

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» Voilà ce que j’ai souffert et fait pour vous, moi ; mais l’heure est venue où la conscience de mon dévoûment ignoré ne me suffit plus. Orgueilleuse princesse… vous n’aimerez jamais un laquais, vous ne le pouvez pas, je le sais, quoiqu’il l’ait mérité à force de sacrifices et d’amour. Eh bien ! le laquais pourtant vous possédera, et après il se tuera… »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Oui, pendant cette heure maudite, j’ai pensé tout cela sincèrement.

Minuit a sonné.

Voulant étourdir un dernier remords, j’ai vidé d’un trait le quart de la bouteille d’eau-de-vie, et je me suis dirigé vers la chambre à coucher de Régina, la tête perdue, mais le pas assuré, la main ferme, l’oreille au guet, l’œil alerte.

La lune jetait de grands rayons lumineux dans le salon, dans le parloir et dans la galerie de tableaux.

Cela m’a éclairé jusqu’à la chambre à coucher.

J’ai écouté, je n’ai rien entendu… rien…

Si Régina était éveillée, j’étais perdu… Elle pouvait saisir le cordon de la sonnette… J’ai regretté de ne pas l’avoir coupé le soir…

Si, en ouvrant la porte, je réveillais Régina… j’étais encore perdu…

Un moment j’ai hésité de nouveau… puis, entraîné par d’enivrants souvenirs, résolu de mourir… j’ai donné à la serrure un seul tour de clé rapide et net.

Les battements de mon cœur se sont arrêtés ; j’ai écouté… rien… pas le moindre bruit…